Métonymie/métaphore


I. Théorie : un mot pour un autre


Depuis R. Jakobson, un linguiste du XXème siècle, on a coutume de considérer métaphore et métonymie comme des procès fondamentaux du langage et de l’apprentissage de ce dernier. Quant à la synecdoque, elle est une variété de la métonymie en ce sens qu’elle ne prend que la partie pour le tout, ou inversement (la première peut aussi substituer la matière à l’objet entier, le contenu au contenant, etc.)

Mais ainsi ces deux tropes s’éloignent quelque peu de l’image qu’ils sont figures très précises et au milieu d’autres nombreuses. Distinguons donc :

- la figure, relativement limitée, que l’on trouve en littérature ;
- la figure expressive, en tant qu’elle est assumée par un locuteur ;
- la figure lexicalisée, en tant qu’elle s’est solidifiée dans le langage courant.


1. La métonymie et la synecdoque


Elles consistent à substituer le sens d’un mot d’une manière timide qui n’ose pas sortir du champ sémantique de ce mot. On a dit qu’elles suivent une « contiguïté sémantique ». Si par exemple l’on dit


(1) Enfin on signala la flotte de Castille, forte de quatre-vingts voiles. (Mérimée)


Il est clair que « voiles » se substitue aux voiliers « entiers ». Or, la voile est du même champ sémantique que le voilier, puisqu’elle en fait partie.



(2) De grosses voix se querellaient dans le couloir. (Zola)
(3) Sa barbe [à Booz] était d’argent comme un ruisseau d’avril.
Sa gerbe n’était point avare ni haineuse. (Hugo)


A nouveau, ces voix remplacent les personnes qui les émettent. Typiquement, la métonymie concerne les substitutions suivantes :
- l’effet pour la cause ; (trembler pour avoir peur)
- le contenant pour le contenu ; (prendre un verre)
- le lieu où la chose se fait pour la chose ; (la source pour l’eau ; un Bordeaux)
- le signe pour la chose/personne signifiée ; (le trône pour le souverain)
- le nom concret pour l’abstrait ; (les larmes pour la tristesse)
- les parties du corps pour les sentiments ; (un noble cœur pour le caractère)

Par contre les parties du corps pour le corps, ou l’inverse, relèvera de la synecdoque :



(4) C’était une confusion, un fouillis de têtes et de bras qui s’agitaient. (Zola)
(5) Vinet rédigeait le Courrier à lui seul, il était la tête du parti ; le colonel, gérant responsable du journal était le bras ; Rogron était le nerf avec son argent... (Balzac)
(6) L’épi pour le blé ; le printemps pour l’année ; la panthère pour les bêtes féroces ; le pin pour l’arbre... (syn. de genre, généralisante : une espèce est vue comme prototype) ; le pain pour la nourriture.
(7) l’arbre pour le chêne (syn. d’espèce, particularisante).



Métonymie et synecdoque ne changent que la référence — la dénotation — du mot, non sa signification : en (4), la « tête » n’induit pas à l’associer avec un autre sens.


2. La métaphore


On a coutume de faire sortir la métaphore de la comparaison, puisque à l’inverse de celle-ci, elle se passe de l’outil comparatif (comme, ainsi que, etc.) Par exemple :


(6) Ce garçon est agile comme un singe.
(7) Ce garçon est un singe agile.
(8) Un singe agile parut à nos yeux.


Les deux derniers exemples sont des métaphores : l’une, in praesentia, maintient le comparant (un singe) et le comparé (ce garçon), et ne supprime que l’outil comparatif ; l’autre (8), in absentia, ne laisse que le comparant.

Cette comparaison entre les deux figures est morphologique plutôt que sémantique, car, on le voit chez Lautréamont (« Beau comme... »), la comparaison peut devenir, par rapport au sens, très complexe et rapprocher deux termes de genres où a priori nous n’aurions vu rien en commun. C’est ainsi que l’on définit la métaphore : alors que la métonymie se cantonne à un seul champ sémantique, la métaphore traverse celui du comparant pour aller chercher dans un champ voisin un moyen de le comparer, en trouvant à leur frontière quelque chose de vaguement commun : on l’appelle le tertium comparationis [C].

Ainsi, dans le dernier exemple :



L’esprit opère ici par similitude, grâce au troisième terme à l’intersection des deux champs. On peut aussi représenter la métaphore ainsi :



La métaphore montre surtout que les champs lexicaux / sémantiques ne sont pas clôturés. Il arrive même que l’on se trouve en présence d’une figure difficilement attribuable entre une métonymie et une métaphore (la gerbe de Booz par exemple).

Il ne faudra pas confondre l’acception qu’un mot (souvent entré dans la langue par métaphore ou métonymie, puis cristallisé — lexicalisé — avec le temps) a acquise de l’usage des tropes, par exemple :

Un chien de fusil [non figuré, sens propre, né par analogie de forme]
Un homme sans femme, c'est un pistolet sans chien. (Hugo) [métaphore]


II. Résumé – Pour aller plus loin


La chandelle du jour.                              Métaphore.
Il la graisse de chandelle.                        Métonymie / synecdoque.
Une chandelle comme le soleil.              Comparaison.





III. De la définition aux tropes


La définition vise à délimiter la compréhension (le signifié actuel) et plus ou moins son extension (référents possibles). Elle combine, pour cette fin, le genre sous lequel sont les expressions synonymes, à la différence spécifique.

Comment pourrait-on passer de ce niveau simplement sémantique au style exprimé par les principaux tropes : métonymie, synecdoque, métaphore, qui se définissent comme l’emploi d’un mot pour une idée, étrangère ou non, et par le passage du sens figé au sens figuré.


1. Métonymie et synecdoque





Bibliographie sommaire :

Jakobson, R. (1956) Deux aspects du langage et deux types d’aphasie, in Essais de linguistique générale, 1. Editions de Minuit, 1963.
Le Guern, M. (1973) Sémantique de la métaphore et de la métonymie. Paris : Larousse.

Genette, G. (1972) Figures III, Seuil.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire