Le Théâtre


Le mot « théâtre » est, bien évidemment, grec. Mais que signifie-t-il ?

Θεάομαι, un verbe, c’est dire je contemple, je regarde avec admiration. Le nom θέατρον ne signifie qu’un lieu, plus indéterminé, duquel il y a une vue, τόπος προς θέαν. Indifféremment pour nous le lieu et l’art, il possède en effet la particularité d’être l’articulation de deux espaces, l’un littéraire et l’autre spatial. Il est né en Egypte, bien que l’on n’ait que peu d’indices signifiant ses particularités ; il en est bien autrement du théâtre classique grec, qui nous lègue en outre la possibilité de réfléchir sur ses relations avec la poésie. Plus ou moins détaché aujourd’hui de celle-ci — il est un genre littéraire — il faut quelquefois pourtant le concevoir, par sa vénérable ancienneté, en parallèle avec elle. Nous nous rappellerons ainsi que la poétique d’Aristote considère la tragédie, le dithyrambe, la comédie comme des espèces de la poésie.


1. Aperçu de l’histoire du théâtre


1.1. Le théâtre antique


Le dithyrambe, poème lyrique dédié à Dionysos, serait l’ancêtre du théâtre, dont l’invention est traditionnellement attribuée à Thespis d’Icare, vu comme le premier tragique et premier acteur (VIe s. avant notre ère).

Boileau nous retrace l’épopée, en reprenant Horace qui lui avait repris Aristote :


 En premier la Poétique d’Aristote (1449b) définit les genres théâtraux : la tragédie imite les choses meilleures que nature, la comédie imite les pires. Il faudra donc être attentif à ne pas voir cette imitation comme simplement représentative de ce qui est : c’est un principe de création, et est une figuration réfléchie du réel.
Voici la définition et les caractères de la première :


 Parmi les plus grands dramaturges antiques sont Eschyle, Sophocle, Euripide.


1.2. Le théâtre romain


Par contraste, les mœurs romaines sont moins inclinées vers le théâtre, la contemplation. Hommes plus pratiques, les romains connaissent pourtant de grands dramaturges — Plaute et Terence par exemple — mais restent très tôt tributaire de l’immense flot grec, en particulier d’Euripide, puis, friands de comédie, de Ménandre. Leur innovation consiste plutôt dans les atellanes, petites pièces bouffonnes et souvent licencieuses, ou le pantomime, c’est-à-dire un art où le côté langagier disparait. Débauchés, ils préféreront encore au théâtre classique et sa plus noble expression, la tragédie, le cirque et le pain.


1.3. Le théâtre médiéval


Avec l’expansion du Christianisme se déploie, opposés aux représentations de traditions populaires, quelques drames liturgiques, mettant en scène des sujets tirées de la Bible et en latin, laissant place aux « mystères », œuvres mêlées de profane, de Gringore par exemple, bien connu aussi pour sa sottie, espèce de comédie allégorique mêlée de politique. C’est un théâtre de rue principalement, de plus en plus populaire, infiltrant tous les degrés de la constitution sociale.


1.4. La Commedia dell’arte


La Commedia dell’arte, née des petits diables des mystères, s’émancipe au XVIe siècle et couronne le théâtre de rue, mais encore improvisé (sur canevas), avec pour but de mettre l’accent sur l’acteur typé (les mœurs) et la troupe, non le mythos.


1.5. Le théâtre classique


La France, précédée par le théâtre élisabéthain, espagnol et italien en ce sens qu’elle imite encore les latins, s’engage au XVIIe siècle dans un règne de classicisme et de renouveau tragique, où elle brillera, tout en ayant cultivé un certain théâtre baroque inspiré (les frères Corneille). Racine y transporte la conscience, remplaçante de l’antique fatalité, et Molière se joue de peindre d’après nature. Les Lumières, quant à eux et semblables aux romains, préféreront la comédie, reflétant peut-être non leurs mœurs ataviques mais une soif de lucre adossée contre une certaine stabilité sociale. Il naît aussi ce drame bourgeois, quotidien à l’ambiance réaliste, et très moralisant.


1.6. Le drame romantique


Le Sturm und Drang (1776) en Allemagne, une pièce de théâtre qui donne son nom au mouvement allemand, commence une dissidence au sein des Lumières et grandit jusqu’à devenir le Romantisme. En France, le Cromwell (1827) du Hugo déclame ses idées de liberté et de révolte, mais le théâtre est bientôt mourant : il s’enlise dans le vaudeville, une comédie assaisonnée de chansons, pour enfin laisser place au drame réaliste et à son ennemi, le symbolisme, préférant à la simple reproduction du réel et du social — externe à la langue, — une proximité à la poésie et à la marche du drame, c’est-à-dire au mythos.


2. Le théâtre comme lieu


Les théâtres Grecs ne sont explicites que par rapport aux textes : son premier caractère est l’hémicycle (en réalité 240°) qui part du chœur (dont le lieu est l’ορχήστρα) de forme circulaire, au derrière duquel se trouvent proskênion (προσκήνιο) et scène (σκηνή) rectangulaire. Au centre du chœur se trouve l’autel de Dionysos (θυμέλη). Aussi celui-là reste le lien entre public et acteurs sur le proskênion, et permet d’aboutir à la finalité du drame, la catharsis. Au fil du temps, ce lien s’estompe et avec lui l’épure, si bien que les Romains auront réduit le chœur et agrandit la scène. Leur public aura perdu ce que dans la contemplation il y aura eu de dramatique.


 A la Renaissance, ce phénomène se poursuit alors que les peuples du haut Moyen-Âge ont comme lentement réappris l’importante relation entre public et acteurs, et le théâtre italien, où loges en U et parterre ovale sont dirigées vers une focale permettant la perspective. La France ne connaîtra pas cette forme avant le XVIIIe siècle, mais possède le théâtre suivant : on y trouve d’abord la scène, sur laquelle jouent les comédiens et où se trouve le décor. La scène comporte le côté cour, à droite, et le côté jardin, termes qui ont remplacé, lorsque la Comédie Française s’installa aux Tuileries (1770), le côté du roi et celui de la reine. On distingue aussi, sur la scène, la face, le devant, du lointain, vers le mur du fond. La coulisse (de couler) signifie d’abord un châssis mobile portant les décors, puis la partie du théâtre cachée au public par ceux-ci. Cette disposition, le public, toujours divisé par castes et devenu lui-même être un objet de contemplation, ne seront qu’au XXe siècle remis en question.

Montfort, XIXe s.

 
3. Le théâtre comme art : la dramaturgie


La dramaturgie est l’art de composer des pièces de théâtre. Le dramaturge (δραματουργός, de δράμα, δραώ, agir) est l’auteur de théâtre.
Chez les anciens, la tragédie comporte plusieurs parties : le prologue, l’entrée du cœur, le premier épisode, le chant du chœur, le second épisode, le second chant du chœur, le dernier épisode, le dernier chant du chœur, et la sortie du chœur, l’exodos. Aristote a défini la règle des trois unités, unités qui montrent un continuel souci de préhension complète, parfaite :

● Le temps : la tragédie doit être contenue dans une révolution de soleil, environ 12 heures.
● Le lieu : la tragédie doit avoir l’étendue nécessaire pour que les péripéties qu’elle contient puissent amener à la fin, le bonheur ou le malheur.
● L’action : la tragédie doit imiter une seule action.

L’œuvre moderne, mais les romains les ont introduits, est d’abord divisée en actes, qui représentent un grand changement dans le déroulement de l’action globale. Le théâtre classique en connaît cinq. On divise chaque acte en scènes, qui marquent chacune le changement de personnages.

Enfin, on distingue les types de répliques :

● le dialogue est une suite de répliques.
● la stichomythie est un dialogue dans lequel chaque réplique correspond à un vers.
● le monologue est le discours qu’un personnage se tient à lui-même.
● l’aparté est le discours d’un personnage qui feint de se parler à soi-même, mais qui dévoile au public ce que les autres acteurs ne peuvent entendre.
● la tirade est une longue suite de paroles d’un personnage.
● la didascalie, non jouée, est une instruction que donne le dramaturge aux acteurs.



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