Le Roman


Si le roman est aujourd’hui le genre littéraire le plus répandu, quelques éléments de sa définition n’ont pas été connus dès ses origines.


1. Brève histoire du roman


Le mot « roman », tout d’abord, est tiré du latin médiéval romanus, romain, qui dès la loi salique écrite en latin — Clovis, Ve siècle — fait de ce peuple — les francs saliens — des Gallo-roman. Vers le XIIe siècle, alors que les poésies lyrique et épique dominent le paysage littéraire, se détache de celles-ci un genre dont la langue est le Roman, la langue parlée issue du latin. Ce genre s’oppose tout d’abord à la chanson, et se retrouve donc entre celle-ci et le latin, langue savante. Nous sommes alors à l’apogée du féodalisme, quand la Renaissance de ce siècle s’accompagne d’un essor économique et d’une culture, en outre, de la courtoisie : le chevalier devient le pilier culturel des traditions, et son roman l’expression la plus connue de ces époques à la recherche d’une identité propre.
On appréciera donc l’évolution entre la Chanson de Roland, chanson de geste de la fin du XIe siècle, à Chrétien de Troyes et l’épopée arthurienne (XIIe siècle), qui d’une manière souvent ambiguë réitèrent les mondes grec et chrétien.

Au XIIIe siècle, la prose naît avec l’Histoire de la conquête de Constantinople de Villehardouin, et commence donc à s’éloigner de la focale de l’individu pour embrasser toute la réalité sociale et historique. Dès lors, la concurrence avec le latin est établie, jusqu’au XVIe siècle où Du Bellay l’entreverra potentiellement égal à lui.

Le XVIe siècle, a priori trop érudit pour cultiver le roman, a pourtant laissé à la postérité les œuvres de Rabelais, où le comique et le sérieux des vues qu’avait la Renaissance — l’éducation par exemple — se mêlent à propos, tout comme l’héritage du Moyen Âge et la protension vers d’autres horizons ; ce siècle a également vu la mutabilité de la prose, qui peut tantôt relever de la philosophie ou de l’histoire, tantôt des écrits initiatiques tels que l’alchimie, où comme chez Rabelais l’écrit est le moyen pour faire déceler une vérité profonde (voir la Préface de Gargantua). Mais dès cet instant s’esquisse aussi une importante fracture, la mise en abîme de la parodie qui s’attache au livre même qui l’a fécondée : la vérité est ailleurs, critique visant, d’abord et probablement, la scolastique. Si avec Cervantès Rabelais ainsi inaugure la parodie du roman médiéval, il trace surtout une ligne entre le vrai et le vraisemblable du roman.

Quand le XVIIe siècle tentera d’unir le genre romanesque, et tout ce qu’il peut contenir, avec ses réformes politiques et religieuses, le siècle suivant verra une prolifération de sous-genres : l’épistolaire, le psychologique, le mémoire, etc. préfigurent tous le devenir du roman, au XIXe siècle, comme genre par excellence, sans pour autant ne jamais pouvoir être l’étalon de toute littérature.

A ce stade, il convient d’abandonner l’histoire car le roman et sa définition nous sont familiers.


2. Les caractères du roman moderne


En 1678 est publié l’ouvrage qui sera, pour nombre d’érudits, la clé du roman moderne : La princesse de Clèves. Nous vous encourageons à le lire. Il nous faut, en attendant, esquisser les caractères du roman, c’est-à-dire étudier à quel genre il appartient et en quoi il se différencie des autres, principalement la poésie et le théâtre.


2.1. Sa forme


La forme du roman est, nous l’avons vu, d’abord définie par la prose. Contrairement à la poésie, il ne connaît pas la métrique et donc ne définit son retour à la ligne que par rapport à la physique de la page et des marges arbitraires quand même : on pourrait le voir plus géométrique qu’arithmétique.
Le genre duquel il provient, le narratif, lui donne de nombreux cousins dont on peut mentionner les plus fréquents : la nouvelle, la fable, le conte, etc. Il s’en distingue en général par sa longueur.


2.2. Ses thèmes


Au fur et à mesure de son développement, le roman accapare toutes les facettes de la vie, et en général la vie sentimentale, individuelle, et sociale, au-devant de l’horizon visible (réalisme au sens large : êtres, avoirs, passions, actions, relations sociales, histoire) ou au-delà (idéalisme au sens large : utopies, psychologie), mais toujours circonscrit par celui du langage et sa nécessité vraisemblable.

Ce langage lui permet d’adapter son registre à son thème :

- « réaliste », ou neutre : l’auteur ne manifeste, visiblement, aucune adhésion ;
- comique, imitant quelque chose de pire que le réel, ou ayant pour fin la critique (voir Molière) ; on y inclut le satirique, le parodique, le burlesque ;
- tragique, imitant une action plus noble qu’elle ne l’est, le plus souvent le combat de l’homme contre sa destinée.
- épique, qui narre une épopée (épos), une aventure.
- lyrique, exprimant les états de l’âme ; on peut y inclure le pathétique et l’élégiaque ;
- merveilleux, connu dans les contes de fées ;
- fantastique, surprenant quand le surnaturel intervient ;
- didactique, visant à enseigner ;
- d’autres registres existent : le polémique, l’ironique, etc. (voir littérature d’idées).


Ces registres ne sont ni hermétiques, ni propre aux romans mais à toute la littérature. Cependant, c’est le roman qui les exploite tous, en incluant le tragique.


3. Le roman et le personnage


Le personnage est loin de n’appartenir qu’au roman, puisque d’autres genres en font l’axe principal autour duquel tourne l’intrigue, notamment les sous-genres en proses comme la nouvelle ou la fable. La poésie, quant à elle, semble la plus lointaine de ce caractère, puisque en-dehors du « Je » lyrique, elle se construit le plus souvent d’une manière propre.

Là où le roman se différencie du théâtre, où l’intrigue ne se sépare non plus des personnages, est à l’apparition du narrateur, sorte de pont entre l’auteur et les personnages. On peut ainsi établir des points de vue propres à l’analyse romanesque :

- le point de vue omniscient : le narrateur n’a pas de point de vue particulier mais connaît tout de ses personnages et actes, les pensées autant que l’avancée du récit.

- le point de vue externe : avec le lecteur, le narrateur découvre le paysage de l’intrigue et les personnages. Il ne sait rien de plus.

- le point de vue interne : le narrateur accompagne le lecteur dans l’univers personnel d’un seul des personnages, accède à sa pensée mais non à celle des autres.

Le personnage de roman, bien distinct de celui du théâtre, est propre à la peinture de lui-même — le portrait — puis celle de toute la société, restreinte ou non, qui l’entoure. Ce portrait peut osciller entre les pôles du physique, du psychologique et du social — stature, visage, caractère, vêtements, etc.

C’est au XIXe siècle surtout que ces trois variables seront exploitées par des auteurs dont on peut citer Balzac, puis Zola, qui étudieront soit une société tenue par des liens sociaux, soit par des liens familiaux.




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