On distingue la littérature d’idées de la
philosophie, de la rhétorique, et de la littérature proprement dite.
Quand elle est explicite, elle s’approche quelquefois de la philosophie ; implicite, elle est davantage
littérature, c’est-à-dire forme et fond (par rapport au fond seul, l’idée).
Ainsi on peut séparer ces domaines selon leur
but ou selon leur forme. Si le but de cette littérature est de convaincre d’une opinion, elle s’habille
en même temps de la forme littéraire — a un langage moins spécifique (la
philosophie a presque un langage technique) — et de l’œuvre littéraire
distincte : essai, traité, dialogue, apologue... Selon le degré, elle sera
tantôt tournée vers l’argumentaire (le logos, le raisonnement), tantôt vers la
persuasion (le pathos, les émotions).
1. Histoire moderne de la
littérature d’idées
Bien sûr ni l’argumentation en littérature ni
la rhétorique ne sauraient être le phénomène nouveau de l’époque classique (Baroque, Classicisme et Lumières. Mais c’est au
cours de celle-ci surtout que le littérateur prend place sur la scène des
débats divers du temps, et fait circuler, principalement par des écrits à la portée
de plus en plus de lecteurs, les idées diverses qu’il utilise pour convaincre
ces derniers.
2. Caractères du texte
argumentatif
2.1.
L’objectif de l’argumentaire
Depuis
l’Antiquité grecque nous savons la profonde différence entre la dialectique et
la rhétorique. Quand l’une
entreprend, par une méthode bien définie, d’ensemble rechercher la vérité, la
seconde ne cherche qu’à convaincre une tierce partie, sans égard à l’absolu
bienfondé de la conviction qu’elle véhicule. Là réside par ailleurs la
différence entre philosophie et cette littérature toute pratique — le plus
souvent politique ou judiciaire.
Pourtant, elle outrepasse très vite les limites
d’une élection politique ou d’une condamnation particulières, pour se diriger,
avec les outils du style, vers de plus nobles et vastes causes. Ainsi
Montesquieu, Voltaire, Diderot et Rousseau, pour n’en citer que les mieux
connus, développeront des idées qui auront d’importantes conséquences
politiques et sociales. Si cette littérature vise à instruire, elle est très
souvent polémique en son temps et cherche à montrer « l’esprit
critique » de son auteur, qu’il soit philosophique (Kant) ou polémique
(Voltaire).
Tout argumentaire comporte un thème, c’est-à-dire un sujet de
discussion ; une problématique,
question sur le thème qui demande une réponse ; cette réponse est la thèse de l’auteur, qui veut avec elle
convaincre et persuader son lecteur ou auditeur.
2.2.
Comment convaincre et persuader
On convainc par la raison (des arguments
ordonnés), et on persuade par les sentiments (valeurs partagées, symboles,
etc.) Le plus souvent, l’auteur fait les deux, ses raisons sont exprimées de
telle sorte que l’auditoire s’y identifie émotionnellement aussi. L’émotion peut
jouer sur deux niveaux : celui de la voix — on peut crier ou murmurer un
même mot, faire des pauses — et celui de la langue — le choix des mots
(champs lexicaux, oppositions, figures), la construction...
Exemple :
AàB ; BàC,
donc AàC.
La raison est dans la forme, la relation entre les termes A, B et C.
L’émotion peut être ajoutée (la chair) à cette
structure (les os).
Mais en-dessous, il y a la matière du raisonnement (A / B / C), qui est une question de langue :
on présuppose l’autre comprendre et pouvoir être d’accord sur leur
signification, leur définition.
2.3.
Quelques types d’arguments
On peut séparer les arguments logiques — les
paroles et écrits — [a-e] de ceux qui s’adressent mieux au pathos, ou à la
société — place et fonction du locuteur [f-g].
a. L’opposition,
le contraste
Exemple :
Sans ail, la santé risque de se détériorer.
b. L’identité,
la tautologie
Exemple :
L’ail sera toujours de l’ail.
c. L’inclusion
déduit une partie de son tout.
Exemple :
L’ail est bon, comme toutes les gousses : pois, vanille, etc.
d. La
cause et l’effet
Exemple :
L’ail a des vertus pour le système cardio-vasculaire.
e. L’analogie
compare deux couples d’idées, souvent mêlées d’exemples.
Exemple :
L’ail est à la santé ce que le
parfum est à la rose.
f. L’argument
ad hominem s’oppose au locuteur plutôt qu’à ses paroles.
Exemple :
Tu dis que l’ail est mauvais pour la santé, mais tu en manges.
g. L’autorité,
les statistiques
Exemple :
Selon une étude récente, l’ail est à manger quotidiennement.
2.4.
L’organisation d’un texte argumentatif
Le rôle d’attirer l’attention sur un discours a
pour nom l’exorde, équivalent à
l’introduction d’un texte, et à l’antipode de la péroraison, qui clôt l’argumentaire. L’argumentaire en soi,
c’est-à-dire le corps du sujet, peut s’établir suivant de nombreuses formes, et
utiliser des figures permettant de modifier, et quelquefois contrôler, la
perception de l’auditoire ou du lectorat. Par exemple, la prolepse saura anticiper une objection ; une digression mettre entre parenthèse le
sujet principal pour le ramener avec plus de force ; etc.
2.5.
Le registre de l’argumentatif
La satire
et la parodie permettent de se
moquer d’une opinion qui diffère, tout comme le polémique l’attaque en les mettant en contraste. La contestation permet de réfuter une
thèse — ce qui exprime le point de vue d’un auteur.
D’une autre visée, le registre laudatif, élogieux, apologétique
et panégyrique permet la louange ou
la défense d’un auteur ou d’une idée.
2.6.
Les œuvres argumentatives
On distingue plusieurs œuvres argumentatives
selon leur forme ou leur visée. Nous distinguerons dans la liste les œuvres
plus neutres de celles qui défendent ou réfutent une idée :
- le sermon
ou le prêche exhorte ou instruit un
fidèle.
- le plaidoyer
défend une thèse ou une personne.
- l’apologie
est une défense publique d’une thèse ou d’une personne.
- le réquisitoire
est l’inverse du plaidoyer.
- la diatribe,
originairement consacrée à la morale par les Cyniques, est souvent une attaque
violente contre quelqu’un ou quelque chose.
- le pamphlet
est un court écrit satirique d’un ton souvent violent.
- une allocution
peut signifier la harangue ou plus généralement un discours pour une
circonstance particulière.
- l’essai
permet de développer des points de vue sur une thèse sans pour autant vouloir
épuiser son sujet.
- le traité
expose systématiquement une thèse.
Au niveau de la morale, on peut également citer
l’apologue et la maxime.
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